Expertise médicale après un accident ou une agression

À quoi sert l’expertise médicale

Après un accident de la route, un accident domestique, un accident du travail ou une agression, l’expertise médicale est l’étape clé pour obtenir réparation de vos préjudices. Elle permet d’évaluer de manière précise les conséquences corporelles et psychologiques de l’évènement, afin de chiffrer l’indemnisation qui vous sera proposée ou accordée par un tribunal. L’expertise est réalisée par un médecin formé à la réparation du dommage corporel, souvent titulaire d’un diplôme spécifique de droit médical ou d’évaluation du dommage corporel. Il peut, si nécessaire, s’adjoindre les compétences d’autres spécialistes, par exemple un neurologue, un orthopédiste ou un psychiatre, pour approfondir certains aspects.

À l’issue de l’examen et de l’étude de votre dossier, l’expert décrit vos lésions, leur évolution, leurs séquelles et fixe notamment un taux de déficit fonctionnel permanent, anciennement appelé incapacité permanente partielle, exprimé en pourcentage. Ce taux n’est pas une note sur votre vie mais une mesure de la réduction définitive de vos capacités physiques ou psychiques. Il sert de base aux calculs d’indemnisation, en complément de l’analyse détaillée des autres postes de préjudice, comme la douleur, l’esthétique, la vie familiale, les loisirs ou la situation professionnelle.

Expertise de l’assurance et médecin de recours

Dans la majorité des dossiers, la première expertise est organisée par la compagnie d’assurance qui doit vous indemniser, que ce soit votre propre assureur ou celui du responsable. Le médecin expert mandaté par l’assurance doit vous convoquer par écrit, en principe au moins quinze jours avant la date fixée, afin que vous puissiez vous préparer et rassembler vos documents. La convocation doit préciser l’identité de l’expert, le lieu, la date et l’heure de l’examen, ainsi que la possibilité de vous faire assister par un médecin de votre choix.

Il est fortement recommandé d’être accompagné par un médecin de recours totalement indépendant des compagnies d’assurance. Ce médecin expert d’assuré ne prend pas de mission pour les assureurs et se consacre à la défense des victimes. Il analyse votre dossier avant la réunion, vous aide à exprimer vos doléances, intervient durant l’expertise pour faire préciser certains points médicaux et discute, le moment venu, les conclusions de l’expert de l’assurance. Cette assistance rétablit un certain équilibre, car le médecin mandaté par l’assureur n’a pas le même rôle que celui qui vous conseille personnellement.

Préparer efficacement l’expertise

La préparation de l’expertise médicale ne doit pas se faire à la dernière minute. Vous devez réunir tous vos documents médicaux depuis le jour de l’accident ou de l’agression. Il s’agit du certificat médical initial délivré aux urgences, des comptes rendus opératoires, des comptes rendus d’hospitalisation et de consultations spécialisées, des résultats d’examens d’imagerie, des bilans sanguins, des ordonnances, des justificatifs d’arrêts de travail et, de manière générale, de tout ce qui retrace vos soins. Vous pouvez demander, par écrit, une copie complète de votre dossier médical au service hospitalier ou au praticien qui vous a pris en charge.

Il est tout aussi important de conserver tous les justificatifs de dépenses liées à vos blessures, comme les frais pharmaceutiques, l’achat de matériel médical, les transports pour les soins, l’aide à domicile, la garde d’enfants ou les aménagements de votre logement ou de votre véhicule. Ces pièces permettront de chiffrer vos préjudices économiques. Enfin, prenez le temps de rédiger une liste détaillée de vos doléances. Notez les douleurs, la fatigue, les troubles du sommeil, la perte d’autonomie, les activités que vous ne pouvez plus pratiquer, le temps supplémentaire nécessaire pour accomplir certains gestes, les difficultés professionnelles et les répercussions sur votre vie familiale et sociale. Ce travail préparatoire vous aidera à ne rien oublier le jour de l’expertise.

Déroulement de l’examen médical

Le jour de l’expertise, le médecin vous reçoit, idéalement en présence de votre médecin de recours et, si vous le souhaitez, d’un avocat. L’entretien commence par un rappel des circonstances de l’accident ou de l’agression, puis du parcours de soins suivi depuis les faits. Le médecin vous interroge sur vos antécédents, sur les traitements en cours, sur votre vie avant l’accident et sur ce qui a changé depuis. Il est important de répondre avec précision et sincérité, sans minimiser ni exagérer, en décrivant votre quotidien tel qu’il est réellement.

L’examen clinique se fait dans le respect de votre intimité et doit se dérouler hors de la présence de personnes non médicales, sauf si vous demandez expressément à être accompagné. Selon la nature des lésions, l’examen peut être bref ou plus long. Il consiste à observer les cicatrices, à tester la mobilité des articulations, la force musculaire, l’équilibre, la coordination, la sensibilité, ainsi que les fonctions sensorielles. Lorsque les troubles psychiques sont au premier plan, un examen psychologique ou psychiatrique peut être organisé pour évaluer l’anxiété, la dépression, les manifestations de stress post traumatique, les troubles de la concentration ou de la mémoire. Dans les dossiers complexes, plusieurs expertises successives peuvent être nécessaires, par exemple avant et après une opération, puis au moment où votre état se stabilise.

Le rapport d’expertise et ses conclusions

Après l’examen, le médecin expert rédige un rapport détaillé dans un délai généralement d’un mois environ. Ce rapport rappelle votre identité, votre situation familiale et professionnelle, les circonstances de l’accident, la nature des lésions initiales, les soins pratiqués, les hospitalisations, les rééducations, ainsi que les doléances exprimées lors de l’expertise. Il décrit les constatations cliniques actuelles, les séquelles physiques et psychiques, et fixe la date de consolidation, c’est à dire le moment où vos lésions ne sont plus susceptibles d’évoluer de façon notable en dehors de traitements habituels.

Le rapport évalue les différents postes de préjudice selon la nomenclature en vigueur. Le préjudice fonctionnel permanent ou déficit fonctionnel permanent correspond à la réduction définitive de vos capacités. Les souffrances endurées regroupent les douleurs et contraintes subies entre le jour de l’accident et la consolidation, en tenant compte de la gravité des interventions, du nombre de soins, de la durée des hospitalisations et de la rééducation. Le préjudice esthétique apprécie l’impact des cicatrices, des déformations ou des troubles de la marche sur votre apparence, en fonction de votre âge, de votre sexe et de vos activités. Le préjudice d’agrément concerne la perte ou la réduction des activités de loisirs et sportives, ainsi que la diminution des plaisirs de la vie courante. Les préjudices sexuel et d’établissement portent sur la vie intime et la possibilité de fonder une famille. Le préjudice moral et les troubles psychiques sont également appréciés, notamment lorsque l’accident ou l’agression ont entraîné un choc psychologique important.

Incapacités, pertes de revenus et préjudices économiques

L’expert distingue en général l’incapacité temporaire et le déficit fonctionnel permanent. L’incapacité temporaire traduit la période pendant laquelle vous ne pouvez plus accomplir normalement vos activités quotidiennes et, le cas échéant, votre activité professionnelle. Elle peut être totale, lorsqu’aucune activité n’est possible, ou partielle, lorsqu’une partie des actes de la vie courante reste faisable malgré les difficultés. Le médecin peut délivrer des certificats mentionnant une incapacité totale de travail, même pour une personne sans emploi, car il s’agit d’une incapacité aux actes de la vie ordinaire et non seulement au travail salarié.

Le déficit fonctionnel permanent, anciennement incapacité permanente partielle, correspond aux séquelles définitives après consolidation et est exprimé en pourcentage. Ce taux reflète votre invalidité globale, sans se limiter à la seule sphère professionnelle. Sur cette base, les parties évaluent les préjudices économiques, qui incluent les pertes de revenus passées, les pertes de gains professionnels futurs, la perte de chance d’évolution de carrière, l’impact sur vos droits à la retraite, ainsi que les besoins en assistance par une tierce personne et les aménagements nécessaires pour maintenir votre autonomie. Votre avocat se sert des données médicales pour chiffrer ces éléments et négocier ou plaider le montant de l’indemnisation qui vous est due.

Expertise amiable, expertise judiciaire et expertise contradictoire

L’expertise organisée par l’assurance est dite amiable, mais elle n’engage que les parties qui acceptent ses conclusions. Lorsque vous êtes assisté par un médecin de recours et, éventuellement, un avocat, on parle d’expertise amiable contradictoire, car chacune des parties est présente et peut faire valoir ses arguments. Si aucun accord n’est trouvé sur les conclusions ou sur l’indemnisation, une expertise judiciaire peut être demandée devant le tribunal. Dans ce cas, le juge désigne un expert indépendant, missionné par la justice, qui convoque l’ensemble des parties et rédige un rapport destiné au tribunal.

Dans tous les cas, vous avez le droit de faire entendre votre voix. Vous pouvez formuler des observations écrites sur le projet de rapport, demander des précisions ou contester certains points par l’intermédiaire de votre médecin de recours et de votre avocat. Il est déconseillé de laisser les compagnies d’assurance négocier seules entre elles le montant de votre indemnisation sans que vous soyez conseillé. Une assurance de protection juridique peut, selon les contrats, prendre en charge tout ou partie des frais de médecin conseil, d’avocat et d’expertise judiciaire. Il est donc utile de relire attentivement vos contrats d’assurance pour connaître l’étendue de ces garanties avant de vous engager dans une négociation ou une procédure.