La société par actions simplifiée (SAS)

Une société commerciale moderne et très contractuelle

La société par actions simplifiée est une société commerciale qui repose largement sur la liberté contractuelle. Le Code de commerce fixe un cadre relativement léger, ce qui laisse aux associés une grande marge de manœuvre pour organiser la gouvernance, les droits politiques et financiers, les conditions d’entrée et de sortie des actionnaires ou encore les modalités de prise de décision. Cette souplesse distingue la SAS des formes plus encadrées comme la société anonyme ou la société à responsabilité limitée, tout en conservant la responsabilité limitée des associés à hauteur de leurs apports.

La SAS peut être constituée par plusieurs associés ou par un seul. Dans ce dernier cas, on parle de SAS unipersonnelle ou SASU. Dans les deux hypothèses, la société dispose de la personnalité morale à compter de son immatriculation au registre national des entreprises, réalisée par l’intermédiaire du guichet unique des formalités en ligne. Les associés sont alors titulaires d’actions qui représentent leurs droits dans le capital et déterminent en principe leurs droits de vote et leur part des dividendes.

Capital social, apports et associés

En 2025, aucun capital social minimum n’est imposé pour une SAS. Les associés fixent librement le montant du capital, qui peut être d’un euro seulement, même si un capital plus substantiel reste fortement recommandé pour crédibiliser le projet auprès des partenaires financiers et commerciaux. Le capital peut être constitué par des apports en numéraire, versés sur un compte bloqué lors de la création, et par des apports en nature, qui supposent le plus souvent l’intervention d’un commissaire aux apports lorsque leur valeur est significative. Une partie seulement des apports en numéraire doit être libérée à la constitution, le solde pouvant l’être dans les cinq ans suivant l’immatriculation.

Les associés peuvent prévoir un capital fixe ou un capital variable, ce qui facilite les entrées et sorties au capital sans modification formelle du montant inscrit dans les statuts, dans la limite d’un capital plancher et d’un capital plafond. Ils restent toutefois engagés vis à vis des tiers dans la limite de leurs apports. Les créanciers ne peuvent pas, sauf faute particulière, poursuivre leur patrimoine personnel. Cette limitation de responsabilité constitue l’un des attraits majeurs de la SAS pour les entrepreneurs comme pour les investisseurs.

Organisation des pouvoirs et direction de la SAS

La loi impose la désignation d’un président, personne physique ou morale, qui représente la société à l’égard des tiers et engage la SAS dans tous les actes entrant dans l’objet social. Au-delà de cette exigence, les statuts définissent librement les organes de direction et de contrôle : directeur général, directeurs généraux délégués, comité stratégique, conseil de surveillance ou tout autre organe adapté au projet. Les rédacteurs des statuts peuvent ainsi construire une gouvernance simple pour une petite structure, ou plus élaborée pour une société accueillant des investisseurs financiers ou un groupe de sociétés.

Les conditions de convocation, de quorum et de majorité des décisions collectives sont également définies par les statuts, sous réserve de quelques décisions que la loi exige de soumettre aux associés, comme l’approbation des comptes, les modifications statutaires ou certaines opérations affectant le capital. Les statuts peuvent organiser des droits de vote particuliers, des actions de préférence ou des mécanismes de veto pour protéger certains associés. Cette plasticité impose une réflexion approfondie en amont, car une rédaction approximative peut générer des conflits internes difficiles à résoudre.

Commissaire aux comptes et contrôle des comptes

Le contrôle légal des comptes n’est pas automatique dans toutes les SAS. En 2025, la désignation d’un commissaire aux comptes devient obligatoire lorsque la société dépasse deux des trois seuils suivants : cinq millions d’euros de total de bilan, dix millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes, cinquante salariés en moyenne. Des règles particulières s’appliquent lorsque la SAS contrôle ou est contrôlée par d’autres entités, ou lorsqu’elle fait partie d’un groupe qui dépasse certains seuils consolidés.

En dessous de ces seuils, la nomination d’un commissaire aux comptes reste facultative, mais peut être souhaitée par les associés ou par les partenaires financiers qui exigent une certification des comptes. La présence d’un commissaire aux comptes renforce la crédibilité de l’information financière et sécurise certaines opérations, comme les augmentations de capital en numéraire ou en nature, les distributions exceptionnelles ou les restructurations. Elle implique toutefois un coût et des contraintes supplémentaires que les associés doivent intégrer dans leur choix de gouvernance.

Régime fiscal et social de la SAS

Par défaut, la SAS est soumise à l’impôt sur les sociétés. Les bénéfices sont imposés au niveau de la société, puis éventuellement à nouveau entre les mains des associés lorsqu’ils sont distribués sous forme de dividendes. En 2025, le taux normal de l’impôt sur les sociétés est fixé à vingt cinq pour cent, avec un taux réduit sur une fraction du bénéfice des petites entreprises qui remplissent des conditions de chiffre d’affaires et de capital. Les dividendes perçus par les associés personnes physiques sont en principe soumis au prélèvement forfaitaire unique de trente pour cent, sauf option pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. :contentReference[oaicite:2]{index=2}

Dans certaines conditions de taille, d’âge et de composition de l’actionnariat, la SAS peut opter temporairement pour un régime d’imposition à l’impôt sur le revenu, ce qui permet d’imputer directement les résultats, profits ou pertes, entre les mains des associés. Cette option est limitée dans le temps et suppose une étude au cas par cas. Sur le plan social, le président et les éventuels dirigeants rémunérés relèvent en principe du régime général de la Sécurité sociale, avec un statut assimilé salarié, ce qui se distingue du régime des travailleurs indépendants applicable à certains dirigeants de sociétés de personnes ou de SARL.

Transmission, contrôle du capital et pacte d’associés

L’un des grands intérêts de la SAS tient à la liberté de maîtriser la composition de l’actionnariat. Les statuts peuvent prévoir des clauses d’agrément pour soumettre toute cession d’actions à l’accord préalable d’un organe désigné ou des autres associés, des clauses d’inaliénabilité pour interdire la cession pendant une durée limitée, ou encore des clauses d’exclusion permettant, sous certaines conditions strictement encadrées, de forcer le rachat des actions d’un associé. Ces mécanismes sont souvent essentiels pour stabiliser l’actionnariat, protéger un noyau de contrôle ou organiser la sortie d’un associé qui ne participe plus au projet.

Ces clauses statutaires sont fréquemment complétées par un pacte d’associés, conclu sous seing privé, qui détaille les engagements réciproques des actionnaires, les droits de sortie conjointe, les droits de préemption, les mécanismes d’ajustement de prix ou les obligations d’information. Le pacte n’est pas opposable aux tiers, mais il permet d’anticiper les situations de blocage et de sécuriser la répartition du pouvoir. L’efficacité de ces dispositifs dépend étroitement de la précision de leur rédaction et de leur articulation avec les statuts, ce qui justifie un travail soigné de structuration juridique.

Création, transformation et usages de la SAS

La SAS peut être créée ex nihilo ou résulter de la transformation d’une société existante, par exemple une SARL ou une SA, sans création d’une nouvelle personne morale. Depuis 2023, toutes les formalités de création, de modification ou de cessation d’activité doivent être accomplies en ligne sur le guichet des formalités des entreprises, qui remplace les anciens centres de formalités. L’immatriculation au registre national des entreprises et, le cas échéant, au registre du commerce et des sociétés, marque le point de départ de l’existence juridique de la SAS.

La grande souplesse de ce statut explique son succès dans des contextes très variés. La SAS est utilisée par des start-up innovantes qui recherchent un cadre flexible pour accueillir des investisseurs, par des groupes qui souhaitent organiser des filiales, par des entrepreneurs individuels qui choisissent la SASU pour bénéficier de la responsabilité limitée et d’une protection sociale de type salarié, ou encore par des sociétés familiales qui veulent adapter leur gouvernance à des enjeux de transmission. Cette diversité d’usages renforce l’intérêt de bien calibrer les statuts dès l’origine en fonction de la stratégie poursuivie.

Les limites de la liberté statutaire et l’intérêt du conseil

La très grande liberté d’organisation de la SAS comporte aussi des risques. Des statuts rédigés de manière approximative ou copiés sans adaptation peuvent générer des situations de blocage, des déséquilibres entre associés ou des difficultés de prise de décision. L’absence de règles impératives détaillées laisse une large part à l’interprétation en cas de conflit, ce qui complique le travail du juge lorsque les textes sont imprécis ou contradictoires. Les associés minoritaires doivent être particulièrement attentifs aux clauses qui affectent leurs droits de vote, leurs droits financiers et leurs possibilités de sortie.

Pour ces raisons, la création d’une SAS et sa transformation ultérieure gagnent à être préparées avec l’aide d’un professionnel du droit, avocat ou expert spécialisé, en lien avec l’expert-comptable. Ce travail initial permet de sécuriser la répartition des pouvoirs, les modalités d’entrée et de sortie des associés, les mécanismes de contrôle du capital et l’articulation avec les objectifs fiscaux et patrimoniaux des associés. La SAS reste ainsi, en 2025, l’un des outils les plus souples du droit des sociétés français, à condition que sa liberté contractuelle soit utilisée avec méthode et prudence.